Le multilatéralisme au service de la cause environnementale

Le multilatéralisme au service de la cause environnementale

La lutte contre le dérèglement climatique oblige les États à mettre en œuvre une gouvernance mondiale qui s’est mise en place dès le début des années 1970. Les États se réunissent pour la première fois en 1972 à Stockholm pour la première conférence des Nations unies sur l’environnement. S’ensuit la première conférence mondiale sur le climat, qui se tient en 1979. Une décennie plus tard, la question de réunir les avancées scientifiques sur le changement climatique se pose et le GIEC est créé en 1988. Suite au premier rapport du GIEC, la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) est signée à Rio en 1992. Elle sera complétée en 1997 par le protocole négocié à Kyoto lors de la conférence des parties (COP 3) qui réunit les signataires de la CCNUCC. En 1997, les parties s’entendent pour la première fois sur des objectifs chiffrés de réduction des gaz à effet de serre.

La COP 21 de Paris est un tournant international. L’accord est signé en 2015 après quatre ans de négociations. Les pays reconnaissent l’urgence climatique et s’accordent pour limiter le réchauffement de la planète entre 1,5°C et 2°C à la fin du siècle. Chaque État s’engage sur des objectifs nationaux à mettre en œuvre à partir de 2020. La multiplication des accords multilatéraux traduit une volonté de la communauté internationale de coopérer pour faire face à l’urgence climatique. Cependant, les accords sont loin d’être suffisants et sont de manière générale très peu appliqués. En effet, rien n’empêche un état de se retirer d’un accord, c’est ce qu’ont d’ailleurs fait les Etats-Unis de Donald Trump pour la COP 21.

Pourtant, la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas seulement l’affaire des États. En effet, d’autres organisations jouent un rôle fondamental comme l’ONU, des ONG mais aussi les entreprises, qui sont des acteurs essentiels pour stimuler la lutte contre le dérèglement climatique. C’est cette action conjointe qu’on appelle le multilatéralisme, c’est-à-dire un cadre dans lequel les différents acteurs de la lutte travaillent ensemble. C’est un mode d’organisation des relations entre les acteurs concernés cherchant à établir des règles communes. Ce multilatéralisme est à son apogée dans les années 90 et a contribué à la réussite du protocole de Kyoto.

La multiplication des acteurs ne concerne pas seulement des organisations puisque de plus en plus d’individus luttent contre le dérèglement climatique. Ces mobilisations citoyennes reprochent aux Etats  de ne pas respecter les accords internationaux et  réclament de nouvelles mesures. Les actions mises en place prennent des formes différentes. Leur volonté de changement se traduit par des manifestations dans lesquelles les citoyens s’adressent directement à l’Etat. C’est l’exemple du mouvement “Youth for Climate” amorcé par Greta Thunberg. Mais de plus en plus, les individus utilisent les lois existantes, celles créés par les accords multilatéraux par exemple, pour faire entendre leurs droits. Ainsi, en Europe, des associations de citoyens se multiplient pour faire pression sur les gouvernements. Elles mènent des actions en justice. L’affaire Urganda a abouti aux Pays-Bas à la condamnation de l’État pour inaction climatique. En France, quatre associations (fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France, Notre affaire à tous et Oxfam France ont saisi le tribunal administratif de Paris le 17 décembre 2018 pour faire condamner l’État pour préjudice climatique. C’est l’affaire du siècle qui aboutit le 3 février 2021 à une décision que les associations considèrent comme “une victoire historique pour le climat”.

Ces actions en justice menées par les citoyens ne se limitent pas au cadre d’un État. En effet, en septembre 2023, six jeunes portugais attaquent 32 états devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour inactions climatiques. C’est un cas particulier puisqu’habituellement, il faut avoir épuisé toutes les voies de recours dans son pays pour avoir accès à la CEDH, ce qui ne fut pas le cas ici en raison de l’urgence. En effet, les plaignants assurent que « l’inaction climatique » a des conséquences sur leur vie et que cela constitue une violation notamment du droit à la vie (article 2) et du droit au respect de la vie privée (article 8.) inscrit dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Cependant, la CEDH estime que la demande des jeunes portugais est inadmissible au motif qu’ils ne peuvent exiger des autres pays des obligations positives au nom de la ConvEDH, mais seulement du Portugal lui-même. Le fait que les jeunes Portugais n’aient pas épuisé toutes les  voies de recours dans leur pays a participé à rendre la demande inadmissible, les juges n’ayant pas pu statuer.

Dans une affaire différente, mais qui traite du même sujet, la Cour a reconnu la plainte d’une association suisse. Celle-ci accuse l’état suisse d’inaction climatique. La Cour a reconnu que la Suisse et son action n’est pas cohérente avec l’urgence requise.

Ce jugement est porteur d’espoir pour l’avenir, néanmoins, il ne contraint pas la Suisse à agir de façon déterminée dans un temps défini. Cette décision de la CEDH ouvre une porte à de futurs recours qui pourront avoir la même issue. D’autres États pourraient donc être condamnés par la Cour du fait du non-respect des accords de Paris qui mettaient en œuvre des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.